Contexte global de la migration haïtienne en Amérique Latine

Depuis la fin des années 2000, l’Amérique du Sud devient un nouveau pôle d’attraction pour la migration haïtienne. Cette migration s’est intensifiée après le tremblement de terre de 2010 qui a frappé Haïti. Ainsi, ils sont estimés à des dizaines de milliers, le nombre d’Haïtiens qui sont éparpillés en Amérique du Sud. Ce phénomène exige qu’on analyse certaines résolutions et lois prises par les gouvernements du Brésil, de l’Équateur, du Pérou et du Panama qui ont su accélérer ou ralentir le flux des migrants haïtiens au Brésil.

Résolutions prises par le gouvernement brésilien

La migration haïtienne au Brésil s’est intensifiée suite au tremblement de terre de 2010 qui a provoqué une crise généralisée dans le pays. Cependant, la présence de troupes brésiliennes en Haïti[1] depuis 2004 aurait déjà contribué à propager l’idée du Brésil comme pays d’opportunités. Toutefois, certains auteurs ont lié l’intensification de cette migration à certaines décisions de politiques publiques prises par le gouvernement brésilien. Il s’agit de la Résolution Recommandée no 06/08 du Conseil National de l'Immigration (CNIg) de mars 2011, qui permet l'octroi, pour des raisons humanitaires, de résidence permanente aux haïtiens qui sont au Brésil ; la Résolution Normative no 97 publiée le 13 Janvier 2012, qui décide d’octroyer annuellement 1200 visas aux haïtiens et la Résolution Normative 102/2013 publiée le 29 avril 2013 qui révoque la limite de 1200 visas annuels. Depuis, le nombre de migrants haïtiens vivant au Brésil ne cesse d’accroitre : des estimations de 2016 y relatives font état d’environ 50.000 (selon les données du Ministère de la Justice Brésilienne) et de 85.000 (suivant les données de l'Ambassade d'Haïti au Brésil). Donc, associées au séisme de 2010, ces décisions du gouvernement fédéral brésilien avaient fait du Brésil la destination privilégiée de la migration haïtienne en Amérique Latine. En outre, la migration haïtienne au Brésil est également liée aux politiques migratoires de certains pays de transit comme l’Équateur, le Pérou et le Panama.

Lois prises par le gouvernement équatorien

Quoique les flux migratoires haïtiens vers l’Équateur aient augmenté dès 2010, c’est la disposition émise par le président Rafael Correa dans la Constitution du 20 juin 2008 de ne pas exiger de visa aux citoyens de n’importe quelle nationalité pour entrer au pays et y rester jusqu’à 90 jours qui est à l’origine de la croissance du phénomène migratoire haïtien en Équateur. Cependant, ce n’est qu’en 2013 la migration haïtienne commence à être vue en Équateur comme un phénomène digne de considération : environ 5000 entrées des migrants haïtiens enregistrées au cours de cette année contre 298 lors des premières arrivées en 2001 et 1681 en 2010. Si l’Équateur comme pays de transit n’a pas fait trop d’exigences pour l’entrée des citoyens étrangers sur son territoire et conséquemment, facilite l’entrée des migrants haïtiens au Brésil, tel n’est pas le cas pour le Pérou et le Panama.

Lois prises par le gouvernement péruvien

Avant 2012, le Pérou n’exigeait pas de visas aux haïtiens qui désiraient le visiter. Ce pays constituait un atout majeur pour les migrants haïtiens voulant entrer au Brésil via la frontière Iñapari à Madre de Dios. Entre 2010 et le 26 mars 2013, on a enregistré 16.856 entrées et sorties de citoyens haïtiens au/du territoire péruvien. Cependant, le 10 janvier 2012, le gouvernement péruvien a établi le « visa temporaire à titre de touriste » comme condition aux Haïtiens pour leur entrée sur le territoire. Avec cette décision, il allait y avoir une diminution des entrées et sorties des haïtiens sur le territoire péruvien : 908 en 2012 et 32 pendant les trois premiers mois de 2013. Ce qui forcément a ralenti le flux des migrants haïtiens à destination du Brésil transitant par le Pérou. Considérons enfin le Panama, pays de transit vers l’Amérique du Sud.

Lois prises par le gouvernement du Panama

Le Panama est un point très important pour les migrants haïtiens qui transitent soit vers le Nord pour se rendre aux États-Unis ou vers le Sud pour se rendre au Brésil en passant par l’Équateur. En 2010, en termes de rentrée de « passagers » antillais sur le territoire panaméen, Haïti était classé 3ème avec 4788 « passagers ». En 2016, le nombre de « passagers » haïtiens rentrés au Panama était 2213. Par ailleurs, le 24 juin 2020, le gouvernement du Panama a publié le décret exécutif no 451 relatif à la création de la sous-catégorie de visas de touristes en transit dans la catégorie migratoire des non-résidents aux étrangers de nationalité haïtienne en transit au Panama, qui exige entre autres aux Haïtiens, une adresse dans le pays de destination et une lettre d’invitation venant d’une personne dans le pays de destination. Bien qu’il n’existe pas assez de données récentes pouvant nous permettre d’établir clairement les conséquences de cette décision, force est d’attendre à ce que les exigences faites pour avoir accès à ce visa de transit, ouvrent de nouvelles routes aux migrants haïtiens pour rallier l’Amérique du Sud et particulièrement le Brésil.

Somme toute, le flux migratoire haïtien vers le Brésil est fortement lié aux différentes lois et résolutions prises par les gouvernements de certains pays. Ces lois et résolutions ont donc des impacts sur le choix du Brésil comme pays de destination, car si le Brésil et l’Équateur permettent l’intensification de cette migration, le Pérou et le Panama par contre contribuent à son ralentissement.


[1] Le Brésil avait les commandes des troupes Onusiennes de la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti).