Les études actuelles ont démontré les répercussions profondes mais inégales de la pandémie de COVID-19 sur les populations du monde entier. Il est bien connu que les catastrophes telles que les épidémies et leurs conséquences socio-économiques et politiques ont un impact plus important sur les populations marginalisées. Dans des contextes comme celui d'Haïti, où les institutions gouvernementales ont des ressources et des capacités limitées pour appliquer des mesures de santé publique permettant de réduire la propagation du virus, la production et la diffusion de connaissances sur l'impact de la pandémie sont essentielles. Le présent rapport constitue une contribution à cet égard, en tentant de combler certaines de ces lacunes en matière de connaissances, notamment dans le domaine des moyens de subsistance et des envois de fonds, de la violence contre les femmes et les filles, de l'enseignement primaire et des expériences de scolarisation à domicile, ainsi que des perceptions communautaires de la COVID-19 et de la stigmatisation qui y est associée.
Ce rapport examine les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les ménages des zones urbaines et rurales d'Haïti. Il fournit les résultats d'une étude exploratoire à méthodologie mixte sur les impacts multidimensionnels de la COVID-19 sur les ménages, en se concentrant sur des thèmes transversaux clés. Les méthodologies utilisées comprenaient des approches quantitatives et ethnographiques, notamment des données d'enquête sur les ménages (n = 511), des groupes de discussion, des entretiens approfondis, des observations ethnographiques, une cartographie sociale et des données sur les transferts de fonds fournies par la Banque Centrale Haïtienne.
Les principaux résultats de l'étude indiquent une situation désastreuse en termes d'impacts de la pandémie sur les ménages et les individus les plus vulnérables de la société haïtienne, notamment les pauvres, les femmes et les filles. La pandémie est arrivée au lendemain de crises politiques et économiques, intensifiant les conditions de vulnérabilité préexistantes tout en perturbant davantage la vie quotidienne. De plus, l'étude met au jour les impacts disparates de la pandémie sur les ménages urbains et ruraux, suggérant que, bien que les risques pour la santé publique dans les zones urbaines densément peuplées puissent être plus élevés, les impacts économiques sur les populations rurales sont, à bien des égards, plus dévastateurs. En outre, nos conclusions montrent que, bien que les grandes institutions multilatérales aient largement prédit que l'économie des transferts de fonds subirait des baisses significatives, cela n’a pas été le cas en Haïti, où les transferts ont augmenté, en glissement annuel, en 2020. Les transferts de fonds des principaux pays de destination de l’hémisphère nord, comme les États-Unis et le Canada, se sont avérés être une force d'atténuation essentielle pendant la pandémie, alors que les transferts de fonds en provenance des pays de l’hémisphère sud ont diminué pendant la crise.
La situation d'urgence de santé publique entraînée par la COVID-19 en Haïti a aggravé les crises politiques et socio-économiques persistantes - connues sous le terme de peyi lòk - qui avaient déjà entraîné des semaines de fermetures d'entreprises et d'écoles dans la dernière partie de 2019 et au début de 2020. En définitive, la pandémie sert à la fois d'indicateur et d'amplificateur de la marginalisation et de la violence structurelle existantes dans le pays.